DENNY

DENNY est un projet qui a été réalisé entre octobre et décembre 2010 en résidence à l'Ecole d'Arts de Rueil-Malmaison.
C'est une expérience technique et humaine qui était imaginée depuis près d'un an et qui a pu voir le jour malgré des conditions climatiques assez difficiles (ce qui a rendu ce projet aussi intense et enrichissant).

livret de présentation du projet envisagé dans le cadre de la résidence de
l’Ecole d’Arts de Rueil-Malmaison
Olivier Chiron
2010

Présentation du projet (plan initial)

En 1951, les habitants de la commune de Pont-Saint-Esprit dans le
Gard sont frappés d’un mal inexpliqué : démence, hallucinations, paranoïa...
Sept personnes décèdent, une cinquantaine est internée et deux-cent cinquante
sont victimes de troubles plus ou moins graves ou durables.
Le point commun entre les victimes est le pain qu’ils ont mangé, qui provenait
vraisemblablement de la même boulangerie et des mêmes céréales.
Mais à ce jour, aucune explication n’est considérée comme sûre.
Pourtant, dans les mois et années ayant suivi les faits, l’affaire devint extrêmement
médiatisée et les théories sur l’origine de ces troubles furent
multiples. Elle fut très vite baptisée l’Affaire du Pain Maudit.
On accusa d’abord le boulanger d’avoir voulu empoisonner la population.
Puis on s’intéressa à l’aliment-même et on pensa que c’était l’ergot,
champignon toxique du seigle reproduit de manière synthétique dans le
L.S.D qui était le responsable. Alors que plus récemment, certaines pistes
prétendent que c’est la C.I.A qui aurait arrosé les champs de L.S.D pour
avoir recours à des expériences, des écrits d’Albert Hoffmann, inventeur
du L.S.D et mandaté d’enquêter sur les lieux, ressortent et laissent penser
qu’il se serait agi d’une intoxication due à une liaison organique de mercure
d’argent utilisée pour la désinfection des semences de céréales.
Par ailleurs, le fait d’attribuer des psychoses populaires à l’ergot de seigle
n’est pas une nouveauté. La Grande Peur de l’an Mille ou les visions de
Jeanne d’Arc pourraient, selon certains historiens, être expliquée par une
consommation de seigle contaminé. Ainsi, de nombreuses légendes populaires
mettraient en cause le seigle dans des affaires non élucidées de
troubles collectifs.
Intentions
Le projet que je souhaiterais réaliser dans le cadre de la résidence proposée
par l’Ecole d’Art de Rueil Malmaison est directement inspiré de
l’Affaire du Pain Maudit et de la manière dont elle a été abordée.
Au-delà de l’histoire en elle-même, tout le protocole qui a consisté à résoudre
le mystère constitue un paradoxe : il est à la fois scientifique et aux
limites de la superstition.
Des hypothèses ont été avancées, parfois suivies et analysées avec une
grande rigueur, mais la médiatisation de ce phénomène a conduit, par le
bouche à oreille, à une mystification évinçant de toutes façons la vérité.
N’était-il pas plus excitant de penser que la C.I.A avait eu recours à des
expériences à cet endroit précis plutôt que de penser qu’un germe aurait
pû venir à bout de la population? Et l’idée même de ce parasyte crée
également un intérêt particulier, son emploi faisant penser aux affaires de
sorcellerie du Moyen-Age.
Ainsi, mon projet majeur ( celui que je compte réaliser en priorité, étant
possible qu’il en inspire d‘autres au cours du temps de travail ), présente
une construction artisanale en briques, dans laquelle pousse une botte de
seigle.
Cette forme relativement inattendue met en relation le contraste existant
entre la rigueur scientifique présente dans la démarche de l’enquête et le
potentiel imaginaire contenu dans le seigle et ses parasytes qui en font
un psychotrope puissant. On obtient alors une forme lourde et massive,
apparemment inébranlable dans laquelle un suspect semble s’intégrer et
évoluer tranquillement, loin des soupçons.
Le rapport entre ces deux éléments est surréaliste, et l’ensemble obtenu
crée un nouvel objet évocateur sans pour autant rentrer dans le détail,
comme dans mes pièces précédentes ( cf. Nightgoat dans le book ci-joint).
Telle qu’elle est envisagée, cette pièce fait se confronter un statisme physique
à l’évocation d’un pouvoir imaginaire hors-norme, une logique implacable
aux pires hallucinations pensables.
Plan coté de la structure du projet

DENNY

l'un des premiers visuels

avril / mai 2010